QUE DISENT LES ARCHIVES
Les textes d’archives prouvent qu’entre le début et la fin de l’époque moderne l’architecture des burons du Cantal a connu des formes et des appellations variées. Les structures pastorales avaient un rôle important dans le système d’estive, puisque c’est là qu’étaient fabriqués et entreposés les fromages, pendant toute la durée de l’affinage. Les hommes devaient également pouvoir s’y abriter et se protéger du froid. Des constructions devaient donc être parfaitement adaptées aux activités humaines. Regard éclairé des chercheurs à partir des sources archivistiques.
D’après les sources d’époque moderne les premières structures pastorales mentionnées sont dénommées cabanam, au XIIIe siècle. Puis à partir de1493, commencent à se multiplier, dans les textes d’archives les mentions de mazucs et foguals, pour désigner les édifices occupés par les vachers pendant l’été. L’appellation traps est citée une fois en 1485 : un moine dont l’abbaye avait des possessions à Allanche parle en 1560 de casas.
Les termes buron et védélat n’apparaissent qu’au XVIIe siècle. Des burons sont mentionnés dans deux baux à ferme de vacheries à Thiézac, en 1659. Il existait également, très tôt, dès les XIVe, XVe siècles, des loges à cochons. Léonce. Bouyssou a mis au jour un texte, antérieur à 1600, dans lequel il est dit que « des vachers seront élus parmi les habitants pour accompagner les bêtes à la montagne. Les charges seront partagées et les vachers prendront à la montagne, pour les y nourrir, un pourceau par habitant. »
La plupart des termes se sont maintenus très longtemps dans le vocabulaire. Le buron et le védélat ont perduré jusqu’à la fin du système d’estive. Les appellations sont encore utilisés aujourd’hui, pour désigner les structures pastorales cantaliennes, en ruine. Le mot cabane est également souvent employé dans les témoignages du XXe siècle pour désigner un buron. Le mazuc, enfin, est présent dans de nombreux toponymes sur les matrices des cadastres dits « napoléoniens ». Seuls les mots fogual et trap n’étaient plus utilisés, au moins depuis le début du XIXe siècle.
Malgré les nombreuses références faites à l’architecture, dans les textes, il est difficile de définir certains termes, en particulier les plus anciens. En ce qui concerne le védélat, les témoignages s’accordent avec l’origine étymologique du mot. Il désigne un abri pour les veaux, pendant la nuit ou les jours d’intempéries.
L’étymologie du terme fogual, quant à elle, indique très probablement la présence d’un foyer au sein de la structure. Mais les témoignages ne permettent pas de définir sa fonction exacte, ses matériaux, le nombre de pièces… Quant aux termes de buron, mazuc et cabane, ils semblent tous désigner le bâtiment central de la montagne, qui comprend la cave pour entreposer les fourmes et/ou la fromagerie, pour les confectionner.
Léonce Bouyssou souligne que dans les textes, les combinaisons sont multiples : « mazuc et cabane », « buron et fogal », « mazuc et védélat »…Existaient-ils des différences entre les structures ou ces mots sont-ils simplement des variantes de langage mais désignent finalement tous la même chose ?
Jusqu’au XVIIe siècle, les sources sont trop peu nombreuses pour fournir une description détaillée des bâtiments. Quelques indices permettent toutefois de s’en faire une idée. Certaines structures devaient être très sommaires car elles étaient déplacées tous les ans ou à des intervalles plus longs. A la montagne de Chazes ,commune de Saint-Jacques-des-Blats, les habitants étaient tenus de remuer les mazucs tous les dix ans » Cette pratique permettait de fumer tous les secteurs de la montagne.
Des baux à ferme semblent également indiquer que le chaume était le mode de couverture le plus fréquent. Toutefois, Léonce Bouyssou souligne que dans les textes des XIV et XVe siècles, les termes « bâtir » et « édifier » sont appliqués aux bâtiments Ces derniers n’étaient donc pas de simples cabanes, au sens où nous l’entendons aujourd’hui. Emile. Hamon, lui, qui a travaillé sur l’Aubrac, fait une distinction entre les « cabanam pastorum en planches que l’on montait sur l’estive en même temps que le troupeau » et les « mazucs, cabanes à demi enterrées recouvertes de mottes de gazon ou de branchages », qui constituaient un habitat temporaire fixe, pour les pasteurs des plus grandes montagnes
A partir de 1719, les baux à ferme attestent cette fois l’existence de burons « voûtés et thuillés » destinés à mettre les vachers « à l’abri de tout accident et surtout de la foudre ». Les sources ne permettent malheureusement pas de savoir quand et dans quelles conditions sont apparues les voûtes en pierres. En revanche, des actes et prix faits offrent des descriptions assez précises des édifices.
Les dimensions intérieures moyennes des burons étaient de 11 m par 3 m. Ils pouvaient être composés de deux niveaux. Le premier niveau, voûté, comportait généralement deux pièces, un « caveau », avec un donne-jour, et une pièce pour le logement des domestiques. Des aménagements intérieurs étaient prévus dans les prix-faits, notamment une cheminée (de 1,8m de largeur), « un banc à pierres plates pour soutenir les vaisseaux ou gerles », une armoire en maçonnerie, et « un bois de lit de grosse charpente » L’étage était lui aussi divisé en deux, avec une partie « pour le logement des veaux sur le caveau, et l’une pour placer le foin sur le logement du vacher e t domestiques ».
Le bâtiment décrit dans ce document de 1776 était en pierre sèche, recouvert de chaume. Le mode de couverture pouvait varier selon les secteurs.
La dernière étape de l’histoire des constructions pastorales est marquée par l’apparition, dans les montagnes, de la chaux, pour bâtir les édifices ou les consolider. Un buron de la région de Salers est restauré en 1760, en « bonne maçonnerie et solide, à chaux sable »…
Violaine Nicolas
Extrait de son Mémoire de Master 2, l’architecture pastorale à l’époque moderne en moyenne montagne cantalienne.
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